L’Ombre du Z

Petit billet vite fait bien fait

Pour ceux qui veulent savoir ce qui se passe en Grèce, pourquoi les réactions sont si dures face à une police aussi violente, pourquoi les étudiants sont aux avants-postes, je leur conseille de voir où revoir “Z”, film de Costa-Gavras, dont je vous reproduis ici la notice wikipedia. Réalisé en  1968, il montre la montée vers l’Etat policier en Grèce. Pour le reste, gouvernement de droite, génération des salaires à 600€ : plus d’infos dans les prochains jours1.

Synopsis

Dans les années 1960, dans un pays du bassin méditerranéen, un député progressiste (Yves Montand) est assassiné. Le juge d’instruction chargé de l’enquête (Jean-Louis Trintignant) met en évidence le rôle du gouvernement, notamment de l’armée et de la police dans cet assassinat.

Présentation du film

Au tout début du film on peut lire : ‘Toute vraisemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n’est pas le fait du hasard. Elle est VOLONTAIRE’.

Réquisitoire contre la dictature des colonels instaurée à la fin des années 1960 en Grèce (sans que ce pays soit mentionné explicitement), Z est adapté d’un roman de Vassilis Vassilikos, fondé sur un fait réel : l’assassinat du député grec Gregoris Lambrakis en 1963.

Le film pose la problématique du passage de la démocratie au fascisme, au travers notamment des rapports entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif.

C’est le premier volet de la trilogie politique de Costa-Gavras, avant L’Aveu (1970) et État de siège (1973).

C’est lors d’un séjour en Grèce que Costa-Gavras découvre le livre de Vassilis Vassilikos, « Z », retraçant l’assassinat du leader de la gauche, organisé par la police et camouflé en banal accident. Dès son retour, il en écrit le scénario en collaboration avec Jorge Semprún. Ne trouvant pas le financement, il en parle à Eric Schlumberger et Jacques Perrin, qu’il connaissait depuis le film Compartiment tueurs. Pour monter le film, Eric Schlumberger et Jacques Perrin assurent une partie du financement et utilisent leurs contacts, en particulier en Algérie, où le film fut tourné. Par jeu d’amitié et de solidarité, Jean-Louis Trintignant accepta un faible cachet et Yves Montand accepta de jouer en participation.

La musique de ce film a été composée par le compositeur grec Mikis Theodorakis. En réponse à Costa-Gavras, qui lui fit demander durant sa détention pendant la dictature des colonels, d’écrire la musique de son film, il lui fit passer ce mot : « Prends ce que tu veux dans mon œuvre. »[1]

Le film a été un tel succès à travers le monde que les spectateurs applaudissaient à la fin des séances.

Le film a été récompensé par le « Prix du Jury » à Cannes, l’Oscar du meilleur film étranger et celui du meilleur montage.

  1. quand je serai de retour du congrès statutaire de mon travail []

Ca y est

Il était temps : la pétition de la médiathèque (voir post juste en-dessous) peut enfin être signée en ligne.

C’est ICI

Le PS aussi aime les riches

Sont marrants les jeunes socialistes. Mais un peu bêtes. Et très carnassiers. En fait, ils ne sont finalement pas si amusants que ça.

Hier soir, passablement éméché, je me retrouve avec quelques camarades, des authentiques ceux-là, à une soirée organisée par trois jeunes candidats socialistes au Sénat. On dira que j’y suis allé à l’insu de mon plein gré et que quelques vagues promesses de tournées générales et autres m’ont fait atterrir à cet endroit (et heureusement : chez les JS on boit… de la Heineken et elle est à trois euros).

Joints et bières aidant, je commence à discuter avec un de ces ambitieux jeunes requins et me présente très sérieusement comme indépendant vendeur et fabriquant de peintures biologiques. Me demandez pas pourquoi, c’est venu tout seul.

Jeune socialiste : “Et tu vends ça à qui ?

Moi : – Ben y a plein de bobos qui aiment bien ça, ce sont des pigments naturels, y a pas de plomb dedans. Ca marche très bien.

– …

– Et ma situation n’est pas facile. Je travaille tout le temps et j’ai un salarié mi-temps. ‘fin mi-temps. Un mi temps déclaré et un autre mi-temps en black, quoi. Ben oui, j’ai beaucoup trop de charges, ça coûte super cher. Moi je peux pas me permettre, hein. Il fait quoi le PS pour ça ? Parce que Didier Reynders, lui, il a promis des réductions de charges. Et je pense que je vais voter MR.

– Ah mais nous aussi, on fait des réductions de charges. Et tu vois, le MR il te défend pas vraiment.

– Ah il défend pas les patrons le MR ?

– Si mais juste les gros. Les gros patrons. Tu ne vas rien y gagner en votant pout lui. Nous on s’occupe des petits. Et d’ailleurs, si tu est un petit indépendant tu as 5 ans sans charges (sic*) patronales par employé.

– Quoi 5 ans ? Et pas d’ONSS à payer, rien du tout ?

– Non, non, rien. Et après cinq ans, tu engages un deuxième salarié et tu as de nouveau 5 ans sans charges.

– 10 ans ?? Ah ça c’est vraiment génial.

– Oui hein! Eh bien tu retiens bien mon nom, je m’appelle Az-Dine Aouragh, je suis candidat au Sénat.”Et de me tendre sa petite carte.

J’ai vérifié dans le programme du PS : tout ce qu’on y trouve c’est une exemption de cotisations sociales patronales pour deux employés pendant 5 ans mais uniquement dans le cadre de la création d’une nouvelle entreprise. C’est l’idée de Bayrou. Rien à voir avec le baratin qu’on ma servi plus haut. A la limite, Az-Dine Aouragh me suggère involontairement de me foutre en faillite virtuelle après cinq ans pour relancer le droit à l’exemption de cotisations.

Le prochain que je croise, me dis-je aujourd’hui, je me présenterai à lui comme un jeune entrepreneur en construction, obligé d’engager 8 ouvriers totalement en noir. Je voudrais bien régulariser ma situation parce que tous mes amis disent que je suis un négrier de la construction mais c’est pas vrai. Je les paye bien mes sans papiers, moi. Et puis j’ai pas le choix.

<EDIT>* Charge étant d’un poids difficilement supportable, ce terme idéologique n’a pas d’existence légale. On emploiera de préférence, mais le PS ne le comprend pas toujours, ni Ecolo d’ailleurs, le terme officiel cotisation (sociale) patronale </EDIT>

Conseil musical : Alien Bitezise avec F.Y.I.

Et vous ne vous en doutez peut-être pas, mais c’est de l’impro, le morceau que vous écoutez

Zweite Heimat / Seconde patrie

Je vous avais parlé de mes récentes découvertes outre-rhénanes. Poursuivant la démarche culturelle avec plaisir, voici quelques infos rapides sur un essai musical digne d’intérêt.

Nom officiel : album Marx, par l’ensemble Arbeit (disponible à la Médiathèque sous la cote UA6570)
Découvert : grâce à la très bonne Radio campus, écoutable en ligne, qui laisse la possibilité de connaître toutes ses playlists et d’écouter facilement la plupart des albums y afférant puisque Campus se base sur les collections de… la Médiathèque. Fin du placement produit (éthique).
Objectif : musical archeology
Pourquoi (vous traduirez bien vous même)

The song and intellectual goods of the German labor movement, of all things, falls in the sights of this excavation is not much of a surprise after the Eisler Program and the Folk Song Project by the Frankfurt group. It cannot be seen as illegitimate – one and a half decades after the political collapse of the East Block – to dig around in the cultural heritage of the failed socialistic Germany.

Et pour la forme…

Augst, Daemgen and Korn and their two guests researched extensively for this project and ultimately chose fifteen pieces and texts for their purposes, which they revived artistically in their own way. Their interpretation of the problematic repertoire comes about far from historical performance techniques. Former celebrating occurs only as a citation in the best case, the romantic emphasis is missing (mostly), and in its place appears mourning as gesture and collage and cut as technique.
Some lines of text fall through the grid, their meaning condensed, refrain and strophes are sometimes ripped from different originals and are clamped together in the remix. The megaphone, formerly an instrument of socialist agitation, delivers here a moment of defamiliarization. Mottoes of socialistic mass culture sound distorted, consciously overloaded, only understandable in fragments, as if their difficult tradition were composed like a parable.

Oui, ce ne sont pas des rigolos, mais

There are reasons that the lived past in East Germany is demonized, extinguished and may only return medially in nostalgic forms. Marx attempt to work against such a new kind of taboo. Comparable with Sigmund Freud’s work of mourning, critical observation and contention take place subjectively on this Concept-CD.

Et je vous ai même trouvé un lien pour écouter ce que ça donne (commencez par le 1 et le 9). Oui, vous trouverez ça… bizarre

Autre conseil musical de ce jour : toujours allemand mais dans un tout autre style. l’album s’appelle… Neue Heimat : compilation consacrée au renouveau de l’électro, électro-pop, lounge, etc allemandes (Ellen Alien, Miss Kittin, Peter Licht, Ian Pooley, et Jazzanova pour les plus connus).

Mon Aufklärung

Cela a sans doute commencé le 6 mai 2006. Ce soir-là, sous un châpiteau installé au Botanique, Hallo Kosmo*, Das Bierbeben et T. Raumschmiere devaient se succéder pour préparer la venue de Vitalic. Si ce n’est Vitalic, que je m’apprêtais très fébrilement à revoir, je ne connaissais pas réellement les groupes amenés à chanter, comme leur nom le laisse entendre, en allemand.

Pour moi, la musique teutonne se résumait à Meat Loaf, The Scorpions, quelques obscurs groupes (post-)punks (Feeling B**, par exemple) et, pour sauver l’honneur germain, à Einstürzende Neubauten et Kraftwerk (profond respect mais inaudible à mes oreilles). J’oubliais : Nena et ses 99 Luftballons. Et puis, l’allemand imaginais-je, avais déjà somatisé et traumatisé, c’est moche. C’est sûr que quand tu entends les méchants Allemands dans les films de guerre américains doublés en français (ils gardent leur accent de salauds) ou dans les comédies du style 7è Compagnie, ça donne pas envie d’écouter leurs chansons. Mon cerveau avait donc imprimé que les mélodies Outre-Rhin se résumaient à de l’électro minimaliste emmerdante, du hard rock passé de mode depuis bien longtemps et enfin des lieder munichois réactionnaires pour racistes aryens en culotte de peau. Seuls résistaient quelques punks qui n’avaient même plus le Chaostage pour s’exprimer et s’approchaient petit à petit du (ca-)niveau politique de Joey Ramone. Seul comptait donc Vitalic.


Das Bierbeben

Cela a été une surprise. Energie électro-punk avec T. Raumschmiere, rendant le pogo obligatoire, mais aussi et surtout une langue en harmonie avec la musique de Das Bierbeben et de Hallo Kosmo. Heureusement. Parce que si on ne comprend pas la langue il reste à espérer que celle-ci puisse se marier avec la musique. Pas comme le rap en italien ou le métal en flamand (et d’expérience, le métal flamand sonne encore mieux que le rap italien) . Et l’harmonie que j’évoque représente tout autre chose que ein zwei polizei. Au contraire, disons que douceur et lascivité s’en dégageaient, accompagnées d’une sorte de résistance passive et pacifiste. Mais le mieux est sans doute de les écouter, parce que j’ai le sentiment d’évoquer Bob Dylan . Allez, donc voir les divers liens de ce texte.

Depuis, j’ai revu Gegen Die Wand (par Fatih Akin) et Dog Days (Hundstage en VO; autrichien, celui-là. Par Ulrich Seidl). J’ai lu en quelques semaines une très mauvaise*** histoire de l’Allemagne de la Germanie à nos jours et vais commencer un deuxième bouquin sur le 20è siècle allemand. Je suis en train de regarder avec délectation la série / film Heimat : Eine deutsche Chronik (par Edgar Reitz et Peter Steinbach).

Pour suivre, je me demande comment trouver quelques contacts pour m’organiser un mini-trip berlinois avant le mois de juin (des gens intéressés ?). Et enfin, je viens de découvrir un autre machin allemand. J’adore et comprend même où le gars veut en venir. Avec un album intitulé Lieder Vom Ende Des Kapitalismus, quoi de plus normal. Peter Licht est donc mon conseil musical du moment.

* A noter que Hallo Kosmo vient des Cantons de l’Est, pas d’Allemagne

** Et je découvre à l’instant que deux membres de Feeling B font partie de… Rammstein

*** parce qu’essentiellement institutionnelle et marginalement socio-économique et donc basée sur les “grands” hommes sans prendre en compte la masse des petits. Si on ajoute à cela un anticommunisme très primaire :
– mettant extrêmes droite et gauche sur le même pied, particulièrement lors de la période 1918-1930, soit la montée du nazisme;
– évoquant, pour l’après guerre, les positions géostratégiques de l’URSS avec un soupçon de dégoût mais sans que cela ne soit jamais reproché aux Américains;
– mentionnant que les membres de la RAF première formule SE SONT suicidés,
l’avoir terminé relève de l’exploit. Donc, je ne vous recommande absolument pas cet auteur qu’est Henry Bogdan

Bruxelles, cité ardente

Après les soirées Bota@AB et AB@Bota, centres culturels bruxellois des communautés française et flamande, le temps était venu de rattacher enfin Liège à Bruxelles. Si l’occasion fait bel et bien le larron,   le prétexte d’une fête de plus était cette fois très valable. Parce qu’un haut lieu musical liégeois fêtait ses 10 ans :

La Soundstation !

Soirée dantesque qui, si elle débuta en douceur musicalement avec Adrian Bouldt (bof)   monta immédiatement en puissance du point de vue éthylique. Liège oblige, l’entrée était accompagnée d’un péquet gratuit (mais depuis son rachat brésilien et ses licenciements collectifs, Jupiler ne doit plus être fort appréciée).

Deuxième escale au bar, Marie Arena s’entretient avec Jacques De Pierpont, j’hésite à lui dire qu’elle peut se carrer sa circulaire PLP 41 école / police où je pense* (cet astérisque est important). Et qu’il faudra un jour que j’aille trouver De Pierpont pour lui dire en substance : “J’aime beaucoup ce que vous faites, je n’écoute plus ce que vous passez à la radio, mais je sais que ça reste une émission importante pour plein de p’tits jeunes et continuez votre boulot, trouvez un bon successeur quand vous prendrez votre pension, etc.” Bon. Je n’ai  fait ni l’un ni l’autre.

Retour vers la salle où après croisement des informations, je crois croiser une myspacienne. C’était le cas. Delphine,  Guéric et moi nous rasseyions sagement sur nos confortables fauteuils rouges de type design pseudo créatif que ne renierait pas Di Rupo ou l’architecte intérieur d’Arena pour la salle d’attente de son cabinet, précisément. Juste le temps de reprendre une bière et d’aller au devant de la scène découvrir All is Pretty / Tout est Joli** que je vous invite tous à écouter dans les plus brefs délais. Groupe minimaliste à la composition évolutive avec grosse caisse flûte, synthé, violon, selon les humeurs. Un vague côté Alain Bashung et Patrick Coutin mélangés pour les paroles. De la poésie d’écorché. Des sonorités douces amères (ben oui : violon et grosse caisse). C’est vous dire si après ça, un petit joint aurait fait l’affaire. Oh mais quelle coïncidence ! Que sens-je dans ma poche droite ? Ben rien, je l’ai déjà donnée à Guéric. Assis sur le parvis de l’église un peu plus loin sur la chaussée, exposés à la vue du moindre flic qui passe. Mais je m’en foutais un peu des flics, bien au contraire : ça me rappellait quelques souvenirs de  rébellion facile et tranquille, de fumette en cachette, de parano-flic du temps où nous étions mineurs d’âge et que, s’il n’y avait pas d’opérations commandos comme maintenant***, se faire piquer pouvait avoir des conséquences teribles pour le devenir de l’humanité : parents avertis, menace de casier judiciaire et test-pipi toutes les trois semaines. Par contre, une qui les aimait bien les policiers, c’était Delphine. Parce qu’à hurler des bonjours aux trois quarts des passants, accompagnés de grands gestes des deux mains pour le quart restant, ils auraient pu débarquer à tout moment, les employés de la maréechaussée. Il était temps de retourner dans la salle, retrouver les accents contrastés de Bruxellois pure souche et de Liégeois expatriés, aussi heureux que des Espagnols qui se retrouvent en soirée Erasmus en Islande. Et revoir Superlux, mais en show acoustique cette fois. Différent et… magistral. Si vous les avez ratés, ils se produisent à nouveau au Botanique, le 16 février. Et j’en serai.


(c) soundstation

 

Pôur clôturer en beauté cette première partie, ne manquait plus à l’appel que Miam Monster Miam (pour lequel il y a cette fois… trois liens différents dont un pour son blog : donc googlez un peu). Je me souviens que j’ai beaucoup aimé, que ses chansons sérieuses étaient malgré tout teintées d’ironie, que je ne voyais plus très bien devant moi, que j’ai encore dansé deux heures après notamment sur les Stooges, que je me suis demandé comment ne pas tomber en montant dans le taxi et puis que c’était tout simplement une soirée à refaire et que Liège, j’aime (quand je ne suis pas malade ****).

* cette circulaire vise à mettre des flics dans l’école, non pas pour y prendre les leçons qu’ils n’ont jamais suivies (sinon, il n’y aurait, de fait, plus de policiers) mais pour y faire régner la loi et l’ordre. Une vaste plate-forme d’éducateurs, d’enseignants et de leurs représentants, de grands défenseurs légitimes de la jeunesse, de pêtits défenseurs tout aussi légitimes, s’est constituée et vous invite à signer un appel. Plus d’infos, ici

** attention : deux liens différents : un myspace, un vers leur label.

*** tout de même curieux qu’on confie la lutte contre le décrochage scolaire à des personnes suspectées d’analphabétisme. Oui, je sais j’enfonce un clou facile.

**** post à venir (oui, on dit poste restante en français).

Et je vous conseille : elektrash [makes me sick], que j’ai peut-être écouté ce samedi, mais que je ne suis pas sûr. Et que j’ai de toute façon écouté à plein volume dans mon bureau durant toute cette journée. Leurs mixes sont disponibles en flux continu sur leur site.

punk is dead

Oui l’épisode 2 n’est pas encore paru.
Non, je ne me prends pas pour George Lucas, les seuls effets spéciaux que je connaisse sont ceux de la
Westmalle Triple.

Scène 3 : Punk Is dead

1er janvier 2007, 03h30. Après la pluie, en attente du bus N quelque chose, censé nous transporter au centre-ville, Ariane, Guéric et moi, seuls rescapés du réveillon Nono/Lolo.

Bien entendu, les horaires “spécial 2007” ne sont pas placardés. Il eut fallu que l’amateur de transports en commun les apprenne par cœur. Ou se trimballe une cinquantaine de pages imprimées à la hâte sur une vieille deskjet à la cartouche tout aussi sénescente. Et surtout que, passablement imbibé, il n’oubliât pas son indigeste leçon le moment venu. Ou n’égarât ses documents. Mais écartons mon côté râleur. Il ne fait pas froid, il ne pleut plus, nous avons bu suffisamment et les autres stations-debout nous répondent après nos questions “vous êtes là depuis longtemps?” et “Vous savez quand le bus doit (oui, oui, c’est une obligation) arriver?” par un soulageant “15 et 5 minutes”.

“Bon je vais prendre des bières au paki“, proclame-je
– C’est ça. Pour voir passer le bus pendant qu’on t’attend, s’exclament Ariane et Guéric
– Ben on boira une bière au Confrater alors! s’enflamme Guéric
– et on re-ratera le bus et on retournera au Confrater et on re-re-ratera le bus. Et pis Clouseau en loop song c’est moyen comme soirée de nouvel an”.

Les cinq minutes s’écoulent. Deuxième cigarette allumée et espérance que, vieille légende urbaine, dès la première bouffée expulsée, notre moyen de locomotion se dessine à la lueur orangée de l’éclairage public.

Troisième cigarette.

Quatrième cigarette.
Je me dis que j’aurais bien pu aller au paki et qu’il est encore temps. Que la STIB c’est un peu le Grouchy des temps modernes : la Gare se meurt et nous ne nous rendons pas, on fait du sur place

Cinquième cigarette.
On commence à penser que le Confrater, juste pour une bière, ce n’est pas une si mauvaise option.

Sixième cigarette. Un taxi à trois c’est pas si cher, finalement. Plusieurs sont déjà passés à vide. Il y a un espoir. Et précisément, il s’avance notre espoir. Oui, non ? Le temps de se poser la question est à peine entamé que deux ombres surgissent de la nuit (de l’autre côté du trottoir, si vous préférez. Du café juste à côté du paki où j’aurais volontiers été chercher trois canettes). Un alter bobo, jeans crade, sweat à capuche, crâne tondu et un punk à référence : Bérurier Noir sur le dos, façon Barbara. Il a sorti sa crête des grands jours et tout le bataclan. c’est tout dire, son blouson a l’air propre (mais un blouson noir dans le noir aussi…)

Et tous deux traversent en courant vers le tacard. Hein, quoi ! Un punk dans un taxi !? Alors que trams, bus, et métro quadrillent la ville (enfin toute la ville sauf notre arrêt)! Qu’un punk ça peut faire du stop, que de toute façon, ils sont tellement dans leur logique bovine qu’ils restent bien souvent là où ils sont pour boire leur bière. Un punk dans un taxi c’est aussi incongru qu’un taximan attendant de ramasser les clients devant le Magasin 4, leur demandant s’ils doivent aller à l’aéroport ou au Conrad*, s’ils ont des bagages en dehors de leur carapils** et “ne vous en faites pas pour le chien, il peut monter”.

Vu le spectacle, on a fonctionné un peu à l’inverse d’une détonation : d’abord soufflés et puis seulement explosifs. Et de commencer à les railler et les traiter de faux punks, de branleurs et que le punk est mort et que “ouais c’est ça retourne chez tes parents à Woluwe”, direction suivie par le sapin. Parce que “quand on veut être punk, il y a une étiquette à respecter, Monsieur!”

Et en fait, non c’est pas incongru un punk qui prend un taxi. C’est simplement impossible
Les punks, c’est 1977-1980. Après y a pu. FI-Ni. Ne reste que la queue de la comète et les fins de cannette. Déjà en 1979, Crass chantait Punk Is Dead.

Aaaaaaaah mais voilà un autre taxi. Ouf, pas de punk dedans. Juste un taximan encore plus barge comme vous le verrez dans le prochain épisode. Allez en route vers le Coaster.

* : j’aurais dit l’Amigo il y aurait eu ambiguïté sur la raison de la destination : hôtellière ou geôlière
** : oui, oui ça existe : http://www.myspace.com/carapils

Fatalement , je vous conseille d’écouter (c’est parfaitement audible) Crass et son album Stations of the Crass : Plus d’infos sur Crass lisibles sur wikipedia. Et tant qu’à faire allez, pourquoi pas, consulter la notice sur le punk ou allez voir un site un peu pris au hasard d’un fan de Crass (voilà : les anciens punks intelligents, maintenant ils font des sites internet hommage/ posthume, se lancent dans le webdesign et la réalisation de courts métrages avec des mini-dv)

1 / … Nouvel An : anecdotes et autres

Début d’une courte série d’anecdotes sur la soirée de Nouvel An

Scène 1 : clavier vs musique ou vibreur against vibes

31/12, 19h30 bus 95/96 direction Ixelles.

Assis sur la double banquette, je regarde, surpris, les trois personnes en face et à côté de moi. Gsm dégainé, envoi de sms à la chaîne. La peur annuelle du réseau mobilophone surchargé se conjugue avec la trouille, permanente celle-là, d’embarquer dans les transports en commun sans avoir d’autre occupation que de devoir éviter le regard d’un vis-à-vis. Du coup :

Jouer sur son gsm à Snake 24; opérer les ultimes vérifications telles que le parallélisme de la suspension du cache avant, l’analyse du ronronnement du vibreur (réservé aux seuls professionnels *), accrocher à côté de l’écran un arbre magique mauve fluo parfum jasmin (pour les néophytes) ; Et envoyer des sms (dès 8h00 du matin, histoire de réserver sa tasse au bureau j’imagine)…

constituent les activités les plus naturelles du Métro’n’homme. (oui, c’est mauvais, ce n’est déjà plus le premier sur ce blog et c’est très loin d’être le dernier). En l’occurrence, un 31 décembre, les “meilleurs voeux” défilent et vu la frénésie des trop gros doigts sur les touches décidément trop petites des portables, on sent que ce n’est pas de l’envoi multiple mais du personnalisé : un “bonne année” complété du ” et plus” des affinités (on évitera tout de même d’ajouter le “bonne santé” au collègue en chimio depuis 6 mois)…

Pour ma part, je n’ai pas dû réfréner mes envies de sortir à son tour mon téléphone. Et non, ce n’était pas par fierté ou snobisme intellectuel. Je n’avais même pas ma brique Histoire de l’Allemagne. De la Germanie à nos jours à exhiber. Je n’avais pas non plus la possibilité de regarder à l’extérieur : “bus bondé par temps pluvieux, sur les fenêtres la buée te voilera les yeux”. Non, non, je me suis contenté d’avoir des écouteurs bien enfoncés dans les oreilles. Tout comme une bonne partie des passagers qui ne tripatouillaient pas leur gsm.

* on commence par trafiquer son gsm et ça finit par un tuning intégral de la Seat Ibiza (et quand tu la perds, as-tu le réflexe de faire sonner  l’alarme à distance pour savoir où elle est ?)

J’écoutais à ce moment : Vive la Fête. Et je savais que je le conseillerais un jour…

Prolétaires de tous les Parvis…


Cinq ans que je vais au Louvre. Pas le musée, non. Celui-là, je ne l’ai plus vu depuis dix ans. Je l’avais parcouru une fois. Sans regarder et très vite. Et une deuxième, juste très vite. Mon Louvre, il est bien plus petit, mais je m’y arrête. Pourquoi ne pas entrer. Au premier abord, ça ne paie pas de mine, c’est moche et sans personnalité. Mais c’est gratuit alors qu’ailleurs on fait la file, donc franchissons le pas de porte. Et puis, il n’y a pas de boutique souvenir à la con, avec ses t-shirts de la Joconde, ses catalogues de luxe et ses affiches pas trop chères façon “remember Boticelli dans ta chambre”. Les souvenirs, à mon Louvre, je les emporte pour rien. Et même plus petit, ses collections sont fabuleuses.

Le plus grand département : les expressionnistes. Des figures souffrantes ou souffreteuses, parfois marquées par l’alcool. Les traits sont exagérés, gonflés, boursouflés. Rouges de rage parfois. Gris de dépit souvent. L’art pauvre est également au programme avec des échafaudages faits de cartons de bières, de cuillères en alu, de vieux mégots fumés jusqu’au filtre, d’un gant délaissé, de journaux plusieurs fois relus. Enfin, on peut y admirer un peu d’avant-garde russe*, perdue parmi les masses, qui côtoie des réalistes socialistes. Les seconds n’ayant finalement pas étouffé les premiers.

Mais toutes ces oeuvres ne sont pas figées. Les statues bougent et sortent de leur torpeur. Elles tournent la tête, agitent le doigt, lèvent le coude. Plus tard, c’est tout le corps qui se mettra en mouvement. Après une bière, faut bien aller pisser.

Le Louvre, c’est mon café et celui de tout le monde. Au Louvre, on ne respire pas, on fume. On n’écoute pas de musique, on subit Joe Dassin. On ne boit pas, on aspire.

Anciens taulards reconvertis en minimexés, nouveaux minimexés pas encore taulards, minimexés et chômeurs tout court parce mon amalgame est débile. Supporters de foot quand l’Italie joue parce que le patron est originaire de la Botte. Vieux Marocains sirotant leur café. Quidams égarés qui veulent s’abriter de la pluie. Dragueurs magistraux mais gueules cassées. Galériens abrités le temps d’une nuit par le réactionnaire clos Sainte Thérèse, 50 mètres plus loin. Vendeurs sénégalais spécialisés en fausses Rolex ou en DVD hollywoodiens pirates. Colporteurs pakistanais de briquets-lampe de poche, de chapeaux de Noël à diodes clignotantes, de perroquets sur pile, de gsm-jouets.

Le Louvre, c’est le café des virés du Parvis de Saint-Gilles. Ceux qui se sont fait jeter de l’Union par le sorteur à la main lourde, parce que pas bobos. Ceux qui ont foutu le bordel au Verschueren, ceux qui n’aiment pas les changements de direction trimestriels des Brasseries du Parvis. Bref, c’est le rade de la dernière chance. Ejecté du Louvre, tu n’écluseras plus nulle part.

Mais, en vérité, je n’en ai pas encore vu un se faire virer du bistrot. Parce qu’on y est bien, qu’il fait chaud, que Joe Dassin ça fait rire, que tout le monde parle, crie, chante et boit à l’unisson. Parce que le serveur et la serveuse savent qu’il n’y a vraiment pas de raison pour foutre quelqu’un dehors.

Le Louvre, j’aime.

* Note intello : le lien renvoie vers la page Wikipedia “constructivisme”. Il ne s’agit que d’une des facettes de l’avant-garde russe.

NB : conseil musical de ce soir… ce n’est pas Joe Dassin. Mais plutôt Hallo Kosmo

Euh oui, Sternberg est mort

Jacques Sternberg est mort il y a… plus de 2 mois déjà. Le 11 octobre 2006.

Mais il n’est jamais trop tard pour parler d’un écrivain fantasque, fantastique et fantasmagorique. Ou plutôt pour nous parler. Non pas en se réunissant dans le noir autour d’une table en psalmodiant :
“Jacques, Jacques, es-tu là? Si tu es là, fais-nous un signe.”
– Voilàààà :
Bonsoir à tous, l’heure est grave, (…) nous devons interrompre Questions à la Une (…) la Flandre va proclamer unilatéralement son indépendance.”

Mais plutôt en vous transmettant deux trois passages d’un de ses livres, Sophie, la Mer et la Nuit, Albin Michel (coll. Livre de poche), Paris, 1976.

“Vous vivez seule ?
– Non. je vis avec moi.”
p. 38

Je me laissais aller, à croire que le calme souriant de Sophie avait quelque chose de contagieux, ce qui pouvait me surprendre car les calmes m’avaient toujours exaspéré. Je n’essayais pas non plus de savoir si Sophie vivait ces heures à la même température que moi. Si elle avait cette même sensation de s’enliser au ralenti au plus profond d’une sorte de creux dans le temps et dans l’espace, une cellule dont les parois n’auraient été que pénombre, tiédeur et fluidité. Ce que je ressentais, ce n’était pas le besoin de me jeter sur Sophie et de l’écarteler en la traversant de part en part, mais une lancinante envie de l’éplucher de sa robe d’été, de découvrir son corps centimètre par centimètre, fosse par fosse, colline par colline, d’y boire à toutes les sources pour me laisser noyer dans cette sève brûlante dont le regard de Sophie paraissait déborder. A part le feu et l’humidité de ce regard. Sophie ne trahaissait rien. Mais je croyais savoir, je ne doutais pas d’elle. Ce qu’elle ressentait de tous ses nerfs ne s’exprimait que par le silence, le regard et l’immobilité.
p. 85

N’étant pas biographe patenté, je vous transmets quelques liens utiles pour compléter votre information via :

Wikipedia
Le fantastique.net
– la nécro de Libération: “Sternberg est mort, c’est absurde
– plus intellectuel et pour les amateurs de SF, deux chroniques de
Gérard Klein, mises en ligne sur le site quarante-deux.org, vaste banque de données sur la Science-Fiction : les chroniques sont disponibles ici et ici.

Tout cela vous fait déjà beaucoup de liens et lectures en perspective. Je m’arrête donc ici.

NB : Et je vous conseille Bern Li, découvert hier soir à la finale du concours circuit