En 2007, Gouvernement flamand et interlocuteurs sociaux définissent un “agenda de compétences 2010” (pdf). L’objectif est d’améliorer le marché du travail via l’apprentissage et l’enseignement, une meilleure information sur les métiers, des solutions adaptées aux travailleurs âgés ou non qualifiés etc. Bref, une série de priorités bureaucratiques mâtinées de quelques contre-pieds syndicaux. On parle d’adaptation des travailleurs au marché du travail, très peu de l’inverse. L’emploi est secondaire par rapport aux exigences de formations et de curriculums adaptés.
Dans ce cadre, le Sociaal-Economisch Raad van Vlaanderen, soit le conseil économique et social flamand, a lancé un appel à la rédaction d’un guide de bonnes pratiques en rapport avec le développement et la gestion des compétences du personnel. Qu’il s’agisse d’entreprises privées, d’organisations publiques ou du secteur non-marchand, le but est de récolter les us et coutumes des entreprises, de les mettre en exemple et de les populariser. Somme toute, rien de bien surprenant fans un environnement managérial.
Ce qui l’est plus, c’est la présence d’une organisation bien particulière, laquelle s’efforce d’accueillir et accompagner les nouveaux entrants, tient compte des acquis issus de l’expérience, travaille au développement de la confiance en eux parmi ses travailleurs, offre des formations pour les postes de travail spécifiques, etc. Dans un même esprit de saine collaboration professionnelle, les organisations syndicales sont associées au projet.
Et pour l’organisation de ce projet “de gestion des ressources humaines” marche tellement bien qu’il sera étendu à tous les… autres centres fermés du pays. Je vous renvoie à la page 23 de la liste des entreprises et organisations (pdf) décrivant leur bonnes pratiques.
On imagine bien le centre de Merksplas, qui est en fait le centre fermé participant au projet du SERV, organiser une grande réunion avec les directions des autres centres fermés sur le profil de fonction des assistants sociaux, qui devraient faire preuve de la plus grande… distance possible avec leurs usagers : les convaincre d’une expulsion volontaire. Pour info, cela est d’ailleurs prévu par la loi, comme l’atteste la page 63 de ce rapport “Centre fermés : Etat des lieux” (pdf), réalisé à l’initiative de diverses organisations défendant les étrangers, dont la Ligue des droits de l’Homme
L’arrêté royal du 2 août 2002 qui fixe le fonctionnement des centres fermés énonce que le personnel des centres a pour mission “d’accompagner psychologiquement et socialement » les détenus, de « les préparer à leur éloignement éventuel” et de “les inciter au respect de la décision d’éloignement qui serait prise à leur égard”. Ces tâches les placent évidemment en situation délicate par rapport à la déontologie et à l’indépendance que l’on est en droit d’attendre d’un assistant social. Les détenus nous ont rapporté qu’ils vivent comme une très forte pression ce que disent ou font certains assistants sociaux pour les convaincre de partir : non seulement les propos explicites invitant à se soumettre à la décision d’expulsion mais aussi parfois la rétention d’information sur les recours juridiques possibles ou une négligence à donner suite à des demandes formulées par les détenus dans le cadre des diverses procédures.
Chacun remarquera également la formidable interaction entre la fonction de psychologue et celle de directeur adjoint. Quoi de plus normal, le directeur adjoint doit être un psychologue. Il s’agit sans doute de l’uniformisation de l’exécution des tâches.
Ou bien d’accueillir si bien les nouveaux médecins que ceux-ci en perdent leur indépendance professionnelle et leur déontologie.
Par curiosité, j’ai été consulter les annonces de vacances d’emploi pour les centres fermés. Eh oui, la déportation étatique est définissable en profil de fonction : l’assistant social de Merksplas (profil complet) doit être doté d’une grande force de persuasion, avoir le sens des responsabilités, pouvoir faire face aux situations de conflit, etc.
Quant au veiligheidsassistent team leider (au centre 127 bis), à vous d’aller voir sur le site du ministère de l’intérieur et de ne pas postuler avent le 30 octobre.
Conseil musical : La Rumeur avec Ils nous aiment comme le feu
Ce mercredi se tient un débat sur les lois liberticides en présence de Wahoub Fayoumi, journaliste à la RTBF et inculpée dans le cadre du dossier Secours Rouge et de Julien Piéret, juriste à la Ligue des Droits de l’Homme.Venez, c’est gratuit et intéressant.
Par ailleurs, le comité Solidaires avec 5 Solidaires a publié un tract récapitulatif du dossier Secours rouge ainsi qu’une interprétation à sa sauce des lois liberticides.
Il est ici, en format pdf (du moins quand j’aurai réglé les petits problèmes avec le transfert de fichiers ftp rôôôntidju) <EDIT : voilà c’est ici.</EDIT>
Via le “le saviez-vous” de Un homme, j’ai pu prendre connaissance de quelques réflexions concernant l’état des lieux de l’égalité des genres. Son billet renvoie en effet à quelques réflexions consacrées sur le blog de François Schreuer à la tenue du congrès “paroles d’hommes” et à sa contestation.
1. De quoi s’agit-il ?
Pour résumer, l’auteur débute par les critiques de féministes à l’encontre de ce congrès pour ensuite s’interroger a priori légitimement sur d’éventuelles discriminations à l’encontre des hommes.
En particulier, dit il, et même si nous restons les héritiers d’une civilisation marquée par la domination masculine, je pense qu’il est temps de comprendre (je souligne) que les inégalités de genre ne se font pas toutes au détriment des femmes. Pourquoi les garçons réussissent-ils moins bien à l’école ? Parce qu’ils sont moins intelligents ou parce que le système scolaire les discrimine ? Pourquoi la garde des enfants en cas de divorce va-t-elle plus souvent à la mère qu’au père ? Parce que les hommes sont moins capables que les femmes de s’occuper des enfants ou parce que la paternité conserve une reconnaissance inférieure à la maternité ? Pourquoi y a-t-il une proportion tellement démesurée d’hommes en prisons (8 891 sur 9 279 en 2004 en Belgique) ? Parce que les hommes sont tous des criminels en puissance ou parce que certains d’entre eux restent enfermés dans des schémas culturels valorisant la violence comme mode de résolution des conflits ou comme expression de soi ?
Et de conclure que ces inégalités ne peuvent être ignorées et qu’à ce titre la promotion du masculinisme lui
semble dans l’absolu plutôt (prudence, prudence) une bonne chose, pour autant qu’il se conçoive comme complémentaire et non hostile (ce qui n’aurait aucun sens) au féminisme, pour autant qu’il cherche à remettre en question les identités de genre qui sont souvent trop statiques.
2. Et pourquoi pas ?
Et c’est vrai que d’un premier abord, ces discriminations doivent être combattues, pense-je. Mais, parce qu’il y a en a bien entendu un, de mais, ce type de réflexion me laisse toujours et immédiatement perplexe. Comme un goût métallique dans la bouche dont on ne connaît pas l’origine.
Quelque chose ne va pas. Ce n’est pas la position en elle-même (quoique… j’y reviendrai plus bas) mais plutôt un manque. Comme lorsque Ingrid Bétancourt dénonce les FARC, comme lorsque des militants demandent, lors de l’organisation d’une manifestation contre l’impérialisme américain, particulièrement en Afghanistan, en Palestine, en Irak que l’on se positionne aussi contre l’impérialisme russe en Tchétchénie. Ces positions sont rigoureusement exactes. Seuls quelques indices sémantiques, quelques formulations me signalent un potentiel désaccord. Mais peut-être n’appartenons-nous pas aux mêmes cercles politique et militants.
3. Mais en fait non.
3.1. Comment ça non ?
Peut-on refuser la grandeur d’âme, le courage d’Ingrid Bétancourt face à ces minables marxistes reconvertis en dealers à grande échelle qui étouffent par ailleurs nos enfants de chnouffe. Etre favorable à la guerre en Tchétchénie menée par ces ignobles soldats russes et commanditée par l’infâme Vladimir Poutine, ancien membre du sinistre KGB et, hélas trois fois hélas, digne successeur des anciens dirigeants de l’URSS, ce régime… totalitaire (certains comprendront les points de suspension).
D’une idée en apparence généreuse on dérive facilement vers des conclusions instinctives et imaginaires. Ainsi on sous-entendra ou mieux on fera sous-entendre que la domination masculine n’est plus ou est en voie de disparition, pour en fait totalement l’occulter et de ce fait mieux l’appliquer. C’est ce qu’il apparaît notamment dans un des commentaires sur le blog de François Schreuer :
dès le moment où l’obligation scolaire concerne autant les femmes que les hommes et dès le moment ou on a imposé la parité sur les listes électorales, OUI, les femmes ont l’égalité politique (commentaire par Andros).
Et encore, nous sommes sur un blog à publicité restreinte, et ne tolérant pas les vulgarités ou les commentaires non-pertinents. Voyez plutôt les réactions à la suite de la publication d’un article de Libération.
3.2. Mais oui, toujours non. Et surtout pour ça
A l’instar de la carence d’infos sur l’histoire de la Colombie, ses paramilitaires, sa guerre civile son inféodation aux Etats-Unis de même que l’omission du déclin de la Russie, de l’hyper-domination états-unienne, de leur lutte, de notre appartenance au monde occidental, de la symbolique du conflit palestinien… bon sang! Mais c’est bien sûr! Où avais-je la tête (à moins qu’on aie tout pour que je ne l’aie pas) ?, ce qu’il manque, c’est le contexte. L’information est isolée. On ne me ment pas, on me fait ignorer! Volontairement ou non, c’est bien plus insidieux.
Nulle part dans le billet il n’est fait mention de l’inégalité vécue au quotidien par les femmes, ce que rappelle entre autres Un Homme via leurs conditions salariales, cAt via leur représentation politique formelle. L’auteur notera cependant dans ses réactions aux commentaires que la violence faite aux femmes est “infiniment” plus importante que celle faite aux hommes. Ouf! Notons que selon Amnesty, un ménage belge sur trois connaît dans son entourage des cas graves de violences conjugales, selon une étude menée par Amnesty International en Belgique et que Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 70 p. cent des femmes victimes d’homicide ont été tuées par leur compagnon. Qu’on ne vienne pas dire qu’un homme qui se fait battre a beaucoup plus de mal à le dire et à le faire accepter qu’une femme ce qui peut conduire à biaiser les statistiques (commentaire d’Andros sur le site de FS). Ah mais oui! J’oubliais. Les hommes ne déclarent jamais eux-mêmes leur décès 🙂 .
3.3. Une autre arme, la minimisation
Par ailleurs divers essais subjectifs tendent à minimiser la question de l’égalité en en faisant une question de générations. Les hommes de cinquante ans seraient plus machistes que les plus jeunes, justifiant ainsi que l’on commence à se préoccuper également des problèmes des hommes. C’est sans doute aller vite en besogne comme l’atteste cet article sur la persistance du “plafond de verre”, ou ce rapport-ci consacré à l’accès des filles aux filières scientifiques et techniques (voir la conclusion p.103) et encore cette interview exposant les liens entre crise économique et perte d’emploi pour les femmes.
4. Reçu ?
Néanmoins l’auteur tentera, à nouveau via commentaires, de rattraper le coup sans se déjuger.
Je ne pense [pas] que la domination masculine a totalement disparu (sic), loin de là. Donc, il me semble évident que les femmes sont, en moyenne, largement plus victimes de discriminations sexistes que les hommes (et le cas de la violence conjugale est à cet égard paroxystique). Simplement, je pense qu’il est méthodologiquement problématique de postuler que toutes les dominations de genre vont toujours à sens unique.
5. Ou collé ? Et de revenir à trois questions :
– Pourquoi les garçons réussissent-ils moins bien à l’école que les filles?
– Pourquoi les hommes sont-ils sur-représentés en milieu carcéral ?
– Pourquoi la garde parentale est-elle confiée majoritairement à la mère?
Nous demande François
Je répondrais globalement par le fait ce sont précisément la vision stéréotypée et la concrétisation de ce stéréotype, les deux s’influençant, de la femme douce, docile, au foyer opposée à l’homme viril, réactif, ramenant l’argent qui mènent à cette situation plus confortable pour les femmes dans quelques rares domaines.
Je noterais aussi qu’au-delà d’une domination masculine sexuée “les hommes dominent / les femmes se soumettent”, ces codes de domination peuvent aussi dépasser le genre. Par exemple si la femme est confrontée à la nécessité de trouver seule un revenu. Et de se demander si ces codes de domination masculine ne sont pas transcendés par les codes de domination capitaliste (mais j’ai déjà suffisamment disserté).
A lire le court rapport de Prisons de Femmes en Europe sur la situation carcérale en Grande-Bretagne, pays ayant connu une dégradation économique sévère, les femmes ne sont plus autant à l’abri de la prison. Mais la situation est loin d’être généralisée. Voir ici pour une explication plus globalisante.
Concernant la réussite scolaire, je mentionnerais à nouveau le rapport Newtonia (p.43), évoqué plus haut :
Pour les filles, on peut se demander si une réorientation « ascendante » n’est pas encore plus rare que pour les garçons, et une réorientation « descendante » plus fréquente. Ceci semble confirmé par le fait qu’elles sont plus souvent « à l’heure » que les garçons (voir tableau 1). Cette différence pourrait être due au fait que les filles « s’autocensurent » plus que les garçons. Plusieurs professeurs ont évoqué cette différence d’auto-évaluation entre filles et garçons, rejoignant les travaux de chercheurs présentés plus haut : les garçons « se lancent » volontiers, même lorsqu’ils ne sont pas sûrs d’eux, alors que les filles « sont plus lucides » et « s’auto-évaluent mieux ». Mais cette attitude leur porte en fin de compte probablement préjudice, dans la mesure où elles ne s’autorisent à accéder aux sections de maths fortes que si elles ont d’excellentes moyennes.
Enfin, on peut se poser des questions sur la garde parentale à la lueur de cet article*. Avec une précaution toutefois : le Canada a développé tardivement mais très virulemment un arsenal législatif visant à réduire les inégalités de genre. Cela ne peut qu’avoir un impact.
* Et je voulais terminer ce petit “examen” par un article de synthèse sur les masculinistes.
6. Pour le plaisir
Je vous renvoie à une belle citation de Pierre Bourdieu, auteur qu’un des commentateurs a cité sur le blog de FS.
Eh oui, je suis en train de lire La domination masculine (pp 39-40 paru chez Points, un peu plus de six euros).
Si l’idée que la définition sociale du corps, et tout spécialement des organes sexuels, est le produit d’un travail social de construction est devenue tout à fait banale, pour avoir été défendue par toute la tradition anthropologique, le mécanisme de l’inversion de la relation entre les cause et les effets que j’essaie de démonter ici, et par lequel est opérée la naturalisation de cette construction sociale, n’a pas été, il me semble, complètement décrit. Le paradoxe est en effet que ce sont les différences visibles entre le corps féminin et le corps masculin qui, étant perçues et construites selon les schèmes pratiques de la vision androcentrique, deviennent le garant le plus parfaitement indiscutable de significations et de valeurs qui sont en accord avec les principes de cette vision : ce n’est pas le phallus (ou son absence) qui est le fondement de cette vision du monde, mais c’est cette vision du monde qui, étant organisée selon la division en genres relationnels, masculin et féminin, peut instituer le phallus, constitué en symbole de la virilité, du point d’honneur (…) proprement masculin, et la différence entre les corps biologiques en fondements objectifs de la différence entre les sexes, au sens de genres construits comme deux essences sociales hiérarchisées. Loin que les nécessités de la reproduction biologique déterminent l’organisation symbolique de la division sexuelle du travail et, de proche en proche, de tout l’ordre naturel et social, c’est une construction arbitraire du biologique, et en particulier du corps, masculin et féminin, de ses usages et de ses fonctions, notamment dans la reproduction biologique, qui donne un fondement en apparence naturel à la vision androcentrique de la division du travail sexuel et de la division sexuelle du travail et, par là, de tout le cosmos. La force particulière de la sociodicée masculine lui vient de ce qu’elle cumule et condense deux opérations : elle légitime une relation de domination en l’inscrivant dans une nature biologique qui est elle-même une construction sociale naturalisée.
Une déclaration solennelle, un unanimisme politique (en tout cas durant une semaine), un beau montage financier permettant d’emprunter et l’on passe du crash annoncé au dérapage contrôlé. Le rallyman Lippens cède sa place aux pilotes étatistes pour boucler le gamelle trophy.
En Europe, quelles que soient les compositions d’équipes de mécanos (libéraux, chrétiens, sociaux-démocrates), les précieuses liquidités, le carburant, sont vite trouvés. Les pauvres spectateurs en bord de piste n’ont pas le droit de monter à bord des bolides capitalistes. La place coûte trop cher. Tout au plus leur concède-t-on l’aumône moyennant résultat : allocation de chômage limitée pour les jeunes aux Pays-Bas, RSA en France, “succès” de “l’accompagnement” en Belgique, contrôles renforcés en Allemagne, etc.
Quant au débat politique, il porte sur les “inacceptables” parachutes dorés, les “scandaleuses” rémunération des patrons, les régulations à mettre en place (comme si on ne savait pas), le dernier déjeuner de chez Fortis mais pas sur les causes systémiques (oui, comme les banques) de la “crise”.
Aaaah, il fait bon ne pas être riche…
conseil musical : un bon petit Beastie Boys ? Allez, oui : Sabotage