Faire travailler plus pour gagner plus

On l’entend trop souvent, les cotisations sociales patronales, les “charges” qui “pèsent” tant sur l’entreprise comme disent nos bourreaux du travail, sont trop élevées.

La Belgique serait un des pays ou l’impôt sur les sociétés serait le plus élevé au monde, etc. etc.

Pourtant, les organisations patronales se sont bien débrouillées pour gagner plus que ce qu’elles ne donnent. C’est le cas dans un mode de travail de plus en plus courant : le travail en équipes.

Je vais essayer d’être synthétique

1. Le travail en équipe est défini (officiellement) comme suit:
• travail au minimum avec 2 équipes comprenant au moins 2 travailleurs;
• qui font le même travail tant au niveau du contenu qu’au niveau de l’étendue;
• qui se succèdent dans le courant de la journée sans qu’il y ait d’interruption entre les équipes successives et;
• sans que le chevauchement n’excède un quart de leurs tâches journalières.
Le travail de nuit est le travail effectué entre 20 heures et 6 heures, sauf si le travailleur effectue uniquement des prestations entre 6 heures et 24 heures ou si le travailleur commence habituellement à travailler à partir de 5 heures.

En pratique, c’est un travail souvent pénible aux horaires variables et décalés (04-midi, par exemple). Pour ces contraintes, le travailleur bénéficie d’une prime d’équipe au montant rarement mirobolant.

2. Les augmentations de salaire direct pour les travailleurs, index compris bien entendu, ont été fixées à 5% pour 2007-2008. Il s’agit de la norme salariale indicative. “Indicative”, elle n’en est pas moins respectée dans nombre de situations. Et vu l’augmentation de certaines denrées, l’inflation sera sans doute forte et donc les augmentations salariales réelles d’autant plus limitées (2% d’index + 2% + 2% =6% => pas d’augmentation salariale directe parce qu’on est déjà au-dessus de la norme indicative*).

3. Pour des raisons de soutien à l’industrie automobile en Belgique, les patrons (avec le soutien discret de certaine centrale syndicale) ont obtenu une réduction des cotisations sociales de 10,7% pour le travail en équipes.

Donc :

Premier jackpot : les patrons gagnent de l’argent avec des travailleurs en équipes et ce, sans rien faire. Augmentés de maximum 5% sur deux ans (soit 2,5% par an), ceux-ci généreront une économie de 10,7% par an (sur la cotisation patronale**, évidemment. Pas sur la totalité du salaire).

Deuxième jackpot : l’économie est telle que que le travail en équipe et la prime qui y est liée coûte désormais moins cher, voire nettement moins cher*** dans certains secteurs que “le travail de jour” soit le travail exercé à horaires réguliers et diurnes 😉

Troisième jackpot : la définition du travail d’équipe est relativement brève. Un patron avec un service de GRH bien organisé pourra placer nombre de ses ouvriers ou employés sous régime équipe (moyennant une misérable prime). Par exemple, il est tout à fait envisageable d’instaurer une “garde informatique” d’une entreprise en système de travail d’équipe. C’est d’autant plus facile et c’est là que le troisième bonus intervient, que la réduction de 10,7% est calculée mensuellement (sur base de la rémunération mensuelle brute du travailleur) mais que l’on peut en bénéficier dès l’organisation d’un jour de travail d’équipe. Reprenons la garde informatique : Paulo et Kevin assurent 8 heures de garde de 00h à 08h, Peter et Cynthia de 16h à minuit, sachant que durant la journée il n’y a pas besoin. Ils ne font cela qu’un jour par mois et coûtent 10,7% de moins pour tout un mois. histoire de rentabiliser les autres travailleurs, on leur affecte aussi un jour de garde et tout le personnel y passe. L’employeur pourra même leur faire un petit chèque cadeau à la fin de l’année, ses sujets ne sauront même pas qu’ils lui auront rapporté beaucoup plus.

Une dernière pour la route : on évoque la possibilité de monter la réduction à 16%…

NB : ne vous en faites pas pour les sources, elles arriveront tout bientôt

<EDIT> Voici donc les références (quasi toutes en néerlandais):

Tijd :
– “Straks doen we allemaal de nacht”, 17/10/07
– “Het cobra-effect”, 17/10/07
– “Agoria vraagt hogere korting ploegenarbeid”, 18/10/07
De Morgen :
-“Belgische arbeider is op één na duurste”, 18/10/07

Het Laatste Nieuws :
– “Belgische arbeiders op één na duurste van Europa”, 18/10/07

L’Echo : une brève de 105 mots  en date du 18/10

</EDIT>

* un peu de linguistique politique : les patrons abrègent la “norme salariale indicative”, en “norme salariale”, les syndicats en “norme indicative”. Autant on sait, le terme étant utilisé dans un contexte particulier, que l’on évoque les salaires autant ôter “indicative” tend à faire de cette norme une obligation 🙂

** pour plus d’infos sur le calcul de la cotisation patronale : voyez ce lien.

*** 3,5% d’économie par tête de pipe dans une boîte de 200 travailleurs à 2000€ bruts du mois, ça fait 14.000€ d’économie mensuels

Conseils musicaux :

L’approprié Canned Heat avec Let’s work together

Et puis The Knife, groupe minimaliste suédois flirtant avec les glauques années 80 : Forest Families

Comments

  1. October 29th, 2007 | 13:09

    Cheu dis, mainetnant, tu mets même en page, avec des numéros, des photos…
    À quand les inter-titres?

    Sinon, je peux témoigner: je n’ai jamais reçu la moindre prime de travail en équipe aussi misérable soit-elle! Et pourtant j’ai assuré la permanence téléphonique du CRECP pendant des mois! C’est scandaleux…
    (le tout à lire avec un accent bruxellois à couper au rasoir)

  2. November 4th, 2007 | 21:47

    ils sont formidables, a un site et un livre a lire d’urgence en passant
    http://www.travailleravecdescons.com