Jim Harrison et Jack Kerouac côte à côte : 1ère partie, Jim Harrison

Si c’est publiable, cela devrait paraître dans la revue Onze Parvis. Normalement j’attends la publication papier pour éditer sur blog, mais soit.

Pour la première fois, je m’essaie à la critique littéraire et bordel, ce n’est pas facile. Vous jugerez donc sur pièce si je dois lire et m’abstenir d’écrire ou si je peux continuer à faire les deux.

Chronique de ce n’est pas parce qu’on n’y connaît rien en littérature qu’on doit aimer Eric Emmanuel Schmitt.

 

Jim Harrison et Jack Kerouac côte à côte
Première partie : Jim Harrison

Jim Harrison dans sa ferme du Michigan en 1969

Placer côté à côte un écrivain, Jack Kerouac, dont on ne retient qu’un ouvrage, Sur la route, chef d’œuvre de la littérature américaine contemporaine et un autre auteur, plus prolifique mais plus discret… les placer côté à côte donc, ça ne peut pas se faire. En tout cas pas dans le monde de la critique littéraire. Ah, si… quand on veut exploser les ventes via presse littéraire interposée, quand on met la grosse machine en branle pour rentabiliser l’écrivaillon alors on peut. Quand il s’agit d’Eric Emmanuel Schmitt, par exemple. Lequel, en bon philosophe va plus loin [que Platon et Kant ][1]; ou encore C‘est à Vigny et au ” Mont des Oliviers “, qu’Eric-Emmanuel Schmitt nous fait penser, voire [Eric Emmanuel Schmitt revisite] les mythes de Faust et Pygmalion, d’une manière voltairienne. Qualifier ça de n’importe quoi, c’est encore trois mots de trop. Veuillez m’excuser et finissons là cette inopportune mais néanmoins défoulante et jubilatoire parenthèse. Je reviens à l’auteur “plus discret” mentionné plus haut, Jim Harrison, qui vient de fêter ses 70 ans. Né dans un bled du Michigan, l’Etat américain des Grands Lacs, à la frontière du Canada, Jim Harrison est devenu écrivain pour gagner sa vie s’essayant au journalisme sportif, à la critique gastronomique, à la poésie et enfin au roman. Bon moyen de quitter un milieu bourgeois et bien pensant. Jim Harrison est notamment auteur de Légendes d’automne et de En route vers l’Ouest, en huit romans, dont fait partie Un Bon jour pour mourir, que je viens de découvrir. Soit la brève rencontre du narrateur et de Tim, militaire en goguette qui par la même occasion embarque avec lui Sylvie, permanente petite amie d’un soir, largable à volonté. C’est le récit d’un périple d’Est en Ouest des Etats-Unis, de la Floride à l’Arizona, de Key West au Grand Canyon, dont il faut détruire l’hypothétique barrage en construction. Un barrage au Grand Canyon symbolise à merveille une nature sauvage petit à petit dominée par l’homme, un nouveau désenchantement, tout comme cette scène d’un film dont j’ai oublié le nom, qui montre une chasse au cheval sauvage tout ce qu’il y a de plus moderne : camion et lancer de lassos lestés de pneus de tracteurs pour épuiser les fiers mustangs avec pour seul objectif une vente au rabais aux abattoirs du coin. La fin d’un mythe, comme on dit… Au-delà, le barrage n’est qu’un artifice littéraire à faire sauter le plus tôt possible, finalité illusoire suffisante que pour nous emmener en balade. Le narrateur l’a créé de toutes pièces[2] : ce n’était de ma part qu’une simple divagation et j’étais le cerveau dérangé et maléfique qui avait conçu ce projet imbécile. Il se voit dès le début contraint de suivre une histoire qui lui échappe, emportée par la folie de Tim, sa paie finançant l’expédition, le whisky de toutes marques, les joints de toutes origines, les amphétamines de tout type (méthadrine, benzedrine) , et les bière-pisses américaine avec leurs étiquettes pour seule différence.

Au cours des plus de 3000 kilomètres qu’ils comptent faire en 5 jours aller-retour et achat de dynamite compris, ils longeront le Sud des Etats-Unis, près du Mexique, traverseront le Texas aussi vaste que la terre elle-même malgré une vitesse constante de près 150 kilomètres-heure, feront étape à Gulfport sur le Golfe du Mexique. Passeront par tous les bleds proches de la frontière mexicaine, Agua Prieta, Bisbee et Brisbee, s’arrêteront inévitablement au bordel lors même que Tim s’avère incapable de coucher avec Sylvia, les excitants multiples et l’alcool bousillant complètements sa libido. Le narrateur déprimé, lui, crève d’envie de la sauter sans pour autant, tout alcoolique qu’il est, ralentir sur la bouteille: Je fouillai dans ma valise pour en sortir le Manuel des explosifs et une bouteille de tequila.– Bois un coup et rendors-toi.Je lui tendis la bouteille et me penchai sur elle pour l’embrasser sur le front. (…) Encore une que je ne pouvais pas guérir. A ses tremblements, je devinai qu’elle allait se mettre à pleurer et je tentai de me relever. Je lui murmurai quelques banalités gentilles et réconfortantes mais elle ne put se retenir de sangloter. Oh, Seigneur! J’ouvris les yeux et en voyant son dos nu et mes mains autour de sa taille, je me demandai si je n’étais pas sur le point de faire une bêtise. Je remontai une main le long de sa colonne vertébrale, puis rentrai le menton pour mieux voir ses seins nus contre ma chemise. Un de ses tétons était appuyé contre un petit bouton de nacre de ma chemise de cow-boy à fleurs. Le ver était sur le point de se dresser, alors je tentai à nouveau de me dégager.– Sylvia je ne peux rien faire pour t’aider. Drogues, sexe, voyage au cœur et aux extrêmes des Etats-Unis, protagonistes sans illusions et en marge, Un bon jour pour mourir ressemble formellement, à Sur la Route de Jack Kerouac. Et pourtant, les différences sont fondamentales. Harrison doit donner un cadre idéal pour son roadtrip et pouvoir se concentrer sur la route et les affres de son trio. Il a dû fournir un but (la destruction du barrage) et les moyens financiers (la paie de Tim) pour que le récit puisse exister. Kerouac, lui, s’en fout. La route est une fin en soi, point de barrage pour être dessus, il y colle. Pas non plus besoin de thune. Ce sont les rencontres au gré du chemin qui lui fournissent petits boulots et hébergement, alcool et sexe. Ou à l’inverse, le poussent à partir encore plus loin, conneries aidant. C’est ce que je tâcherai de présenter dans le prochain numéro de Onze Parvis.

Notez sur votre carton de bière :

Un site à découvrir : Jim Harrison.free.fr

Un lien où Jim Harrison évoque Jack Kerouac et la beat generation

Musique conseillée pour Jim Harrison l’album Janis Joplin in concert c’est le conseil musical (morceau choisi : Ego Rock), Hugo Race, 16 Horsepower


 

 

[1] Critique de l’Evangile selon Pilate, critiqué par Républicain Lorrain Dimanche; Critique de l’Evangile selon Pilate critiqué par “La République des Pyrénées“; Lorsque j’étais une oeuvre d’art, critiqué par “Valeurs Actuelles”. Le tout est consultable sur le site d’Eric Emmanuel Schmitt;

[2] En réalité, cinq ans plus tôt en 1968, un projet de barrage inondant le Grand Canyon avait cependant été rejeté.

Comments

  1. January 29th, 2008 | 23:45

    Ah! Ben au moins l’attente d’un nouvel article aura valu le coup!
    ;o)

  2. Guéric
    February 2nd, 2008 | 20:53

    Le film auquel tu fais allusion, ce serait pas The Misfits, de John Huston? (Fiche IMDB: http://www.imdb.com/title/tt0055184)

  3. Julien Uh
    February 4th, 2008 | 19:11

    ah ben oui. Et je me demande si on ne l’a pas vu ensemble pendant Ecran Total, en fait 🙂